Lignes 159–260
.... Rien ne peut éviter l'empire de l'Amour;
Les rois et les bergers lui vont faire la cour,
Et ce Tyran des cœurs pour montrer sa puissance
Traite souvent les Grands avec plus d'insolence
Que ses moindres sujets qui reçoivent de lui
La grâce désirée après un peu d'ennui;
Le furieux cyclope horreur de la Sicile,
Polyphème autrefois le trouva moins facile
Que ne fit pas Acis jeune homme efféminé,
Faible esclave d'Amour aux plaisirs adonné,
Qui sur ce grand Géant emporta la victoire;
Jouit de Galatée, et tout comblé de gloire
Tenait entre ses bras cette nymphe des eaux
Tandis que son rival jouait des chalumeaux
Sur le bord de la mer, où d'une plainte vaine
Il publiait ainsi le sujet de sa peine.
«Flots, jaloux de mon bien, pourquoi me privez-vous
De l'unique regard que mon œil trouve doux?
Seule Divinité de mon cœur adorée,
Délices de Doris, et du vieillard Nérée.
Sortez, ô Galatée, et venant dessus l'eau
Faites voir qu'après vous la Mer n'a rien de beau;
Quel plaisir vous retient dedans ce vaste Empire
Tandis que loin de vous Polyphème soupire?
Sortez, ô Galatée, et ne permettez pas
Que pour vous trop aimer je souffre le trépas;
Mes antres sont plus beaux que les grottes profondes
Que mon père Neptune a mises sous les ondes;
Un divers coquillage embellit vos maisons;
Et moi je vois mon antre aux plus rudes saisons
Couronné de verdure, et couvert d'un feuillage
Qui durant la chaleur me donne de l'ombrage,
Ou me défend des vents quand pesant de sommeil
L'hiver fait loin de nous reculer le soleil,
Produit les longues nuits, et d'une froide haleine
Engourdit la nature, et désole la plaine;
Au lieu de vos poissons, j'ai des troupeaux nombreux
De chèvres, de brebis, de juments, et de bœufs
Que vous priserez plus que la troupe indomptée
Des grands monstres marins que gouverne Protée;
Vous aurez le corail, les perles, l'ambre gris
À qui la rareté donne seule le prix;
Les richesses que j'ai sont toujours en estime;
Il est bien malaisé que la parole exprime
Les présents que Cérès me fait en mille lieux;
L'abondance que j'ai de fruits délicieux,
D'agréables pâtis, de fertiles vallées,
Et de sombres forêts du peuple reculées,
Où les daims et les cerfs ne vous manqueront pas
S'il vous plaît en chassant y prendre vos ébats;
Venez me soulager des peines que j'endure,
Ô gloire de ces lieux, chef-d'œuvre de Nature;
Venez ma belle Nymphe, et propice à mes vœux
Étendez sur la mer les flots de vos cheveux;
Oubliez désormais vos sœurs les Néréides;
Sortez mon beau soleil, de ces plaines humides,
Et ne retournez plus dans ce moite séjour;
Qu'après tant de douleurs le plaisir ait son tour;
Venez cueillir les fleurs de mes larges prairies;
Venez vous promener sur les rives fleuries
De cent petits ruisseaux dont le bruit est si doux
Que souvent j'y dormais lorsque l'amour pour vous
Ne me gênait l'esprit, et n'avait pas encore
Asservi ma franchise aux beautés que j'adore;
Prenez possession de mes biens, et de moi;
Venez, ô mon désir, me prescrire la loi
Qu'il vous plaît que je suive, et n'ayez davantage
À contrecœur mes dons, mes vœux, et mon servage:
Hélas! vous êtes sourde à ma plaintive voix;
Vous m'avez en horreur, je brûle toutefois
Avecque tant d'ardeur que je perds le courage
De souffrir plus longtemps un si sensible outrage;
Je n'ai point de repos ni le jour ni la nuit;
Une rage importune en tous endroits me suit;
Le mont qui sert aux Dieux d'un superbe trophée,
Arrêtant de son faix la tête de Typhée,
Vomit un moindre feu que celui de mon cœur;
D'où viennent ces mépris? D'où vient cette rigueur?
Acis serait-il bien l'auteur de mon martyre?
Est-ce lui qui s'oppose à ce que je désire?
Vous a-t-il enchantée? a-t-il charmé vos yeux?
Si je puis découvrir que cet audacieux
Soit bien auprès de vous, j'écraserai sa tête
Sous l'effort de mon bras qui comme une tempête
Abat ce qu'il rencontre, et brise les vaisseaux
Qui s'étaient garantis de la fureur des eaux;
J'ai de la force assez pour vous rendre vengée
Si de quelque ennemi vous étiez outragée;
J'en ai de même aussi pour me venger de ceux
Qui prendraient du plaisir à me voir malheureux;
Rejetez ce mignon qui ne peut pas défendre
Le bien où sa faiblesse a le cœur de prétendre;
Venez, ô Galatée, et sortez de ce lieu
À qui vous devez dire un éternel adieu.»
Ainsi comblé d'ennui l'amoureux Polyphème
Assis dessus un mont contait le mal extrême
Que lui faisait souffrir la puissante Vénus;
Vos mystères sacrés n'étaient point inconnus
À ce triste cyclope, ô filles de Mémoire;
Il connaissait votre onde où vous l'aviez fait boire,
Et n'eut point de remède à ses tourments divers
Qui fût plus assuré que la douceur des vers.
Les rois et les bergers lui vont faire la cour,
Et ce Tyran des cœurs pour montrer sa puissance
Traite souvent les Grands avec plus d'insolence
Que ses moindres sujets qui reçoivent de lui
La grâce désirée après un peu d'ennui;
Le furieux cyclope horreur de la Sicile,
Polyphème autrefois le trouva moins facile
Que ne fit pas Acis jeune homme efféminé,
Faible esclave d'Amour aux plaisirs adonné,
Qui sur ce grand Géant emporta la victoire;
Jouit de Galatée, et tout comblé de gloire
Tenait entre ses bras cette nymphe des eaux
Tandis que son rival jouait des chalumeaux
Sur le bord de la mer, où d'une plainte vaine
Il publiait ainsi le sujet de sa peine.
«Flots, jaloux de mon bien, pourquoi me privez-vous
De l'unique regard que mon œil trouve doux?
Seule Divinité de mon cœur adorée,
Délices de Doris, et du vieillard Nérée.
Sortez, ô Galatée, et venant dessus l'eau
Faites voir qu'après vous la Mer n'a rien de beau;
Quel plaisir vous retient dedans ce vaste Empire
Tandis que loin de vous Polyphème soupire?
Sortez, ô Galatée, et ne permettez pas
Que pour vous trop aimer je souffre le trépas;
Mes antres sont plus beaux que les grottes profondes
Que mon père Neptune a mises sous les ondes;
Un divers coquillage embellit vos maisons;
Et moi je vois mon antre aux plus rudes saisons
Couronné de verdure, et couvert d'un feuillage
Qui durant la chaleur me donne de l'ombrage,
Ou me défend des vents quand pesant de sommeil
L'hiver fait loin de nous reculer le soleil,
Produit les longues nuits, et d'une froide haleine
Engourdit la nature, et désole la plaine;
Au lieu de vos poissons, j'ai des troupeaux nombreux
De chèvres, de brebis, de juments, et de bœufs
Que vous priserez plus que la troupe indomptée
Des grands monstres marins que gouverne Protée;
Vous aurez le corail, les perles, l'ambre gris
À qui la rareté donne seule le prix;
Les richesses que j'ai sont toujours en estime;
Il est bien malaisé que la parole exprime
Les présents que Cérès me fait en mille lieux;
L'abondance que j'ai de fruits délicieux,
D'agréables pâtis, de fertiles vallées,
Et de sombres forêts du peuple reculées,
Où les daims et les cerfs ne vous manqueront pas
S'il vous plaît en chassant y prendre vos ébats;
Venez me soulager des peines que j'endure,
Ô gloire de ces lieux, chef-d'œuvre de Nature;
Venez ma belle Nymphe, et propice à mes vœux
Étendez sur la mer les flots de vos cheveux;
Oubliez désormais vos sœurs les Néréides;
Sortez mon beau soleil, de ces plaines humides,
Et ne retournez plus dans ce moite séjour;
Qu'après tant de douleurs le plaisir ait son tour;
Venez cueillir les fleurs de mes larges prairies;
Venez vous promener sur les rives fleuries
De cent petits ruisseaux dont le bruit est si doux
Que souvent j'y dormais lorsque l'amour pour vous
Ne me gênait l'esprit, et n'avait pas encore
Asservi ma franchise aux beautés que j'adore;
Prenez possession de mes biens, et de moi;
Venez, ô mon désir, me prescrire la loi
Qu'il vous plaît que je suive, et n'ayez davantage
À contrecœur mes dons, mes vœux, et mon servage:
Hélas! vous êtes sourde à ma plaintive voix;
Vous m'avez en horreur, je brûle toutefois
Avecque tant d'ardeur que je perds le courage
De souffrir plus longtemps un si sensible outrage;
Je n'ai point de repos ni le jour ni la nuit;
Une rage importune en tous endroits me suit;
Le mont qui sert aux Dieux d'un superbe trophée,
Arrêtant de son faix la tête de Typhée,
Vomit un moindre feu que celui de mon cœur;
D'où viennent ces mépris? D'où vient cette rigueur?
Acis serait-il bien l'auteur de mon martyre?
Est-ce lui qui s'oppose à ce que je désire?
Vous a-t-il enchantée? a-t-il charmé vos yeux?
Si je puis découvrir que cet audacieux
Soit bien auprès de vous, j'écraserai sa tête
Sous l'effort de mon bras qui comme une tempête
Abat ce qu'il rencontre, et brise les vaisseaux
Qui s'étaient garantis de la fureur des eaux;
J'ai de la force assez pour vous rendre vengée
Si de quelque ennemi vous étiez outragée;
J'en ai de même aussi pour me venger de ceux
Qui prendraient du plaisir à me voir malheureux;
Rejetez ce mignon qui ne peut pas défendre
Le bien où sa faiblesse a le cœur de prétendre;
Venez, ô Galatée, et sortez de ce lieu
À qui vous devez dire un éternel adieu.»
Ainsi comblé d'ennui l'amoureux Polyphème
Assis dessus un mont contait le mal extrême
Que lui faisait souffrir la puissante Vénus;
Vos mystères sacrés n'étaient point inconnus
À ce triste cyclope, ô filles de Mémoire;
Il connaissait votre onde où vous l'aviez fait boire,
Et n'eut point de remède à ses tourments divers
Qui fût plus assuré que la douceur des vers.
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