Stanzas 11–20 - Part of Testament, Le
XI
Ecrit l'ai l'an soixante et un
Que le bon roi me delivra
De la dure prison de Meun,
Et que vie me recouvra,
Dont suis, tant que mon cueur vivra,
Tenu vers lui m'humilier,
Ce que ferai tant qu'il mourra:
Bienfait ne se doit oublier.
XII
Or est vrai qu'après plaints et pleurs
Et angoisseux gemissements,
Après tristesses et douleurs,
Labeurs et griefs cheminements,
Travail mes lubres sentements,
Aiguisés comme une pelote,
M'ouvrit plus que tous les comments
D'Averroÿs sur Aristote.
XIII
Combien qu'au plus fort de mes maux,
En cheminant sans croix ne pile,
Dieu, qui les pelerins d'Emmaus
Conforta, ce dit l'Evangile,
Me montra une bonne ville
Et pourvut du don d'esperance;
Combien que le pecheur soit vile,
Rien ne hait que perseverance.
XIV
Je suis pecheur, je le sai bien;
Pourtant ne veut pas Dieu ma mort,
Mais convertisse et vive en bien,
Et tout autre que peché mord.
Combien qu'en peché soie mort,
Dieu vit, et sa misericorde,
Se conscience me remord,
Par sa grace pardon m'accorde.
XV
Et, comme le noble Romant
De la Rose dit et confesse
En son premier commencement
Qu'on doit jeune cœur en jeunesse,
Quand on le voit vieil en vieillesse,
Excuser, helas! il dit voir.
Ceux donc qui me font telle presse
En murté ne me voudroient voir.
XVI
Se, pour ma mort, le bien publique
D'aucune chose vausît mieux,
A mourir comme un homme inique
Je me jugeasse, ainsi m'aît Dieus!
Griefs ne fais a jeunes ne vieux,
Soie sur pieds ou soie en biere:
Les monts ne bougent de leurs lieux
Pour un pauvre, n'avant n'arriere.
XVII
Ou temps qu' Alissandre regna,
Un hom nommé Diomedès
Devant lui on lui amena,
Engrillonné pouces et dès
Comme un larron, car il fut des
Ecumeurs que voyons courir;
Se fut mis devant ce cadès
Pour être juge a mourir.
XVIII
L'empereur si l'araisonna:
«Pour quoi es tu larron de mer?»
L'autre réponse lui donna:
«Pour quoi larron me fais nommer?
Pour ce qu'on me voit écumer
En une petiote fuste?
Se comme toi me pusse armer,
Comme toi empereur je fusse.
XIX
«Mais que veux-tu? De ma fortune
Contre qui ne puis bonnement,
Qui si faussement me fortune
Me vient tout ce gouvernement.
Excuse moi aucunement,
Et sache qu'en grand pauvreté,
Ce mot se dit communement,
Ne gît pas grande loyauté.»
XX
Quand l'empereur ot remiré
De Diomedès tout le dit:
«Ta fortune je te muerai
Mauvaise en bonne», si lui dit.
Si fit il. Onc puis ne médit
A personne, mais fut vrai homme,
Valere pour vrai le baudit,
Qui fut nommé le grand a Rome.
Ecrit l'ai l'an soixante et un
Que le bon roi me delivra
De la dure prison de Meun,
Et que vie me recouvra,
Dont suis, tant que mon cueur vivra,
Tenu vers lui m'humilier,
Ce que ferai tant qu'il mourra:
Bienfait ne se doit oublier.
XII
Or est vrai qu'après plaints et pleurs
Et angoisseux gemissements,
Après tristesses et douleurs,
Labeurs et griefs cheminements,
Travail mes lubres sentements,
Aiguisés comme une pelote,
M'ouvrit plus que tous les comments
D'Averroÿs sur Aristote.
XIII
Combien qu'au plus fort de mes maux,
En cheminant sans croix ne pile,
Dieu, qui les pelerins d'Emmaus
Conforta, ce dit l'Evangile,
Me montra une bonne ville
Et pourvut du don d'esperance;
Combien que le pecheur soit vile,
Rien ne hait que perseverance.
XIV
Je suis pecheur, je le sai bien;
Pourtant ne veut pas Dieu ma mort,
Mais convertisse et vive en bien,
Et tout autre que peché mord.
Combien qu'en peché soie mort,
Dieu vit, et sa misericorde,
Se conscience me remord,
Par sa grace pardon m'accorde.
XV
Et, comme le noble Romant
De la Rose dit et confesse
En son premier commencement
Qu'on doit jeune cœur en jeunesse,
Quand on le voit vieil en vieillesse,
Excuser, helas! il dit voir.
Ceux donc qui me font telle presse
En murté ne me voudroient voir.
XVI
Se, pour ma mort, le bien publique
D'aucune chose vausît mieux,
A mourir comme un homme inique
Je me jugeasse, ainsi m'aît Dieus!
Griefs ne fais a jeunes ne vieux,
Soie sur pieds ou soie en biere:
Les monts ne bougent de leurs lieux
Pour un pauvre, n'avant n'arriere.
XVII
Ou temps qu' Alissandre regna,
Un hom nommé Diomedès
Devant lui on lui amena,
Engrillonné pouces et dès
Comme un larron, car il fut des
Ecumeurs que voyons courir;
Se fut mis devant ce cadès
Pour être juge a mourir.
XVIII
L'empereur si l'araisonna:
«Pour quoi es tu larron de mer?»
L'autre réponse lui donna:
«Pour quoi larron me fais nommer?
Pour ce qu'on me voit écumer
En une petiote fuste?
Se comme toi me pusse armer,
Comme toi empereur je fusse.
XIX
«Mais que veux-tu? De ma fortune
Contre qui ne puis bonnement,
Qui si faussement me fortune
Me vient tout ce gouvernement.
Excuse moi aucunement,
Et sache qu'en grand pauvreté,
Ce mot se dit communement,
Ne gît pas grande loyauté.»
XX
Quand l'empereur ot remiré
De Diomedès tout le dit:
«Ta fortune je te muerai
Mauvaise en bonne», si lui dit.
Si fit il. Onc puis ne médit
A personne, mais fut vrai homme,
Valere pour vrai le baudit,
Qui fut nommé le grand a Rome.
Translation:
Language:
Reviews
No reviews yet.