Mémoire

I

L'eau claire; comme le sel des larmes d'enfance;
L'assaut au soleil des blancheurs des corps de femmes;
La soie, en foule et de lys pur des oriflammes
Sous les murs dont quelque pucelle eut la défense;

L'ébat des anges;--non... le courant d'or en marche,
Meut ses bras, noirs, et lourds, et frais surtout, d'herbe. Elle,
Sombre, ayant le ciel bleu pour ciel de lit, appelle
Pour rideaux l'ombre de la colline et de l'arche.


II

Eh! l'humide carreau tend ses bouillons limpides!

Entends Comme Brame

Entends, comme brame
près des acacias
en avril la rame
viride du pois!

Dans sa vapeur nette,
Vers Phoebé! tu vois
s'agiter la tête
de saints d'autrefois...

Loin des claires meules
des caps, des beaux toits,
ces chers Anciens veulent
ce philtre sournois...

Or ni feriale
ni astrale! n'est
la brume qu'exhale
ce nocturne effet.

Néanmoins ils restent,
--Sicile, Allemagne,
dans ce brouillard triste
et blêmi, justement!

Vénus Anadyomène

Comme d'un cercueil vert en fer-blanc, une tête
De femme à cheveux bruns fortement pommadés
D'une vieille baignoire émerge, lente et bête,
Montrant des déficits assez mal ravaudés;

Puis le col gras et gris, les larges omoplates
Qui saillent; le dos court qui rentre et qui ressort.
--La graisse sous la peau paraît en feuilles plates;
Et les rondeurs des reins semblent prendre l'essor...

L'échine est un peu rouge, et le tout sent un goût
Horrible étrangement,--on remarque surtout
Des singularités qu'il faut voir à la loupe...

Oraison Du Soir

Je vis assis tel qu'un ange aux mains d'un barbier,
Empoignant une chope à fortes cannelures,
L'hypogastre et le col cambrés, une Gambier
Aux dents, sous l'air gonflé d'impalpables voilures.

Tels que les excréments chauds d'un vieux colombier
Mille rêves en moi font de douces brûlures;
Puis par instants mon coeur triste est comme un aubier
Qu'ensanglante l'or jaune et sombre des coulures.

Puis quand j'ai ravalé mes rêves avec soin,
Je me tourne, ayant bu trente ou quarante chopes,
Et me recueille pour lâcher l'âcre besoin.

Les Effarés

Noirs dans la neige et dans la brume,
Au grand soupirail qui s'allume,
Leurs culs en rond,

À genoux, cinq petits,--misère!--
Regardent le boulanger faire
Le lourd pain blond...

Ils voient le fort bras blanc qui tourne
La pâte grise, et qui l'enfourne
Dans un trou clair.

Ils écoutent le bon pain cuire
Le boulanger au gras sourire
Chante un vieil air.

Ils sont blottis, pas un ne bouge,
Au souffle du soupirail rouge,
Chaud comme un sein.

Les Chercheuses De Poux

Quand le front de l'enfant plein de rouges tourmentes,
Implore l'essaim blanc des rêves indistincts,
Il vient près de son lit deux grandes soeurs charmantes
Avec de frêles doigts aux ongles argentins.

Elles assoient l'enfant devant une croisée
Grande ouverte où l'air bleu baigne un fouillis de fleurs,
Et dans ses lourds cheveux où tombe la rosée
Promènent leurs doigts fins, terribles et charmeurs.

Il écoute chanter leurs haleines craintives
Qui fleurent de longs miels végétaux et rosés

Bateau Ivre

Comme je descendais des Fleuves impassibles
Je ne me sentis plus guidé par les haleurs;
Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,
Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.

J'étais insoucieux de tous les équipages,
Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.
Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,
Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.

Dans les clapotements furieux des marées,
Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,
Je courus! Et les Péninsules démarrées,

Les Premières Communions

I

Vraiment, c'est bête, ces églises de villages
Où quinze laids marmots, encrassant les piliers,
Écoutent, grasseyant les divins babillages,
Un noir grotesque dont fermentent les souliers.
Mais le soleil éveille, à travers les feuillages,
Les vieilles couleurs des vitraux ensoleillés,

La pierre sent toujours la terre maternelle,
Vous verrez des monceaux de ces cailloux terreux
Dans la campagne en rut qui frémit, solennelle,
Portant, près des blés lourds, dans les sentiers séreux,

L'orgie Parisienne Ou Paris Se Repeuple

Ô lâches, la voilà! dégorgez dans les gares!
Le soleil expia de ses poumons ardents
Les boulevards qu'un soir comblèrent les Barbares
Voilà la Cité belle assise à l'occident!

Allez! on préviendra les reflux d'incendie,
Voilà les quais! voilà les boulevards! voilà,
Sur les maisons, l'azur léger qui s'irradie,
Et qu'un soir la rougeur des bombes étoila.

Cachez les palais morts dans des niches de planches
L'ancien jour effaré rafraîchit vos regards.
Voici le troupeau roux des tordeuses de hanches,

Accroupissements

Bien tard, quand il se sent l'estomac écoeuré,
Le frère Milotus un oeil à la lucarne
D'où le soleil, clair comme un chaudron récuré,
Lui darde une migraine et fait son regard darne,
Déplace dans les draps son ventre de curé.

Il se démène sous sa couverture grise
Et descend ses genoux à son ventre tremblant,
Effaré comme un vieux qui mangerait sa prise,
Car il lui faut, le poing à l'anse d'un pot blanc,
À ses reins largement retrousser sa chemise!

Or, il s'est accroupi frileux, les doigts de pied

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