Pantoum Négligé

Trois petits pâtés, ma chemise brûle.
Monsieur le curé n'aime pas les os.
Ma cousine est blonde, elle a nom Ursule,
Que n'émigrons-nous vers les Palaiseaux.

Ma cousine est blonde, elle a nom Ursule,
On dirait d'un cher glaïeul sur les eaux
Vivent le muguet et la campanule!
Dodo, l'enfant do, chantez, doux fuseaux.

Que n'émigrons-nous vers les Palaiseaux.
Trois petits pâtés, un point et virgule;
On dirait d'un cher glaïeul sur les eaux;
Vivent le muguet et la campanule.

Trois petits pâtés, un point et virgule;

Langueur

A Georges Courteline.

Je suis l'Empire à la fin de la décadence,
Qui regarde passer les grands Barbares blancs
En composant des acrostiches indolents
D'un style d'or où la langueur du soleil danse.

L'âme seulette a mal au coeur d'un ennui dense.
Là-bas on dit qu'il est de longs combats sanglants.
O n'y pouvoir, étant si faible aux voeux si lents,
O n'y vouloir fleurir un peu de cette existence!

O n'y vouloir, ô n'y pouvoir mourir un peu!
Ah! tout est bu! Bathylle, as-tu fini de rire?

La Princesse Bérénice

A Jacques Madeleine.

Sa tête fine dans sa main toute petite,
Elle écoute le chant des cascades lointaines,
Et dans la plainte langoureuse des fontaines,
Perçoit comme un écho béni du nom de Tite.

Elle a fermé ses yeux divins de clématite
Pour bien leur peindre, au coeur des batailles hautaines,
Son doux héros, le mieux aimant des capitaines,
Et, Juive, elle se sent au pouvoir d'Aphrodite.

Alors un grand souci la prend d'être amoureuse.
Car dans Rome une loi bannit, barbare, affreuse,

Les Vaincus

A Louis-Xavier de Ricard.


I

La Vie est triomphante et l'Idéal est mort,
Et voilà que, criant sa joie au vent qui passe,
Le cheval enivré du vainqueur broie et mord
Nos frères, qui du moins tombèrent avec grâce,

Et nous que la déroute a fait survivre, hélas!
Les pieds meurtris, les yeux troublés, la tête lourde,
Saignants, veules, fangeux, déshonorés et las,
Nous allons, étouffant mal une plainte sourde,

Nous allons, au hasard du soir et du chemin,

Les Loups

Parmi l'obscur champ de bataille
Rôdant sans bruit sous le ciel noir,
Les loups obliques font ripaille
Et c'est plaisir que de les voir,

Agiles, les yeux verts, aux pattes
Souples sur les cadavres mous,
--Gueules vastes et têtes plates--
Joyeux, hérisser leurs poils roux.

Un rauquement rien moins que tendre
Accompagne les dents mâchant,
Et c'est plaisir que de l'entendre,
Cet hosannah vil et méchant:

--«Chair entaillée et sang qui coule,
Les héros ont du bon vraiment.
La faim repue et la soif soûle

Le Soldat Laboureur

A Edmond Lepelletier.

Or ce vieillard était horrible: un de ses yeux,
Crevé, saignait, tandis que l'autre, chassieux,
Brutalement luisait sous son sourcil en brosse;
Les cheveux se dressaient d'une façon féroce,
Blancs, et paraissaient moins des cheveux que des crins;
Le vieux torse solide encore sur les reins,
Comme au ressouvenir des balles affrontées,
Cambré, contrariait les épaules voûtées;
La main gauche avait l'air de chercher le pommeau
D'un sabre habituel et dont le long fourreau

Images D'un Sou

A Léon Dierx.

De toutes les douleurs douces
Je compose mes magies!
Paul, les paupières rougies,
Erre seul aux Pamplemousses.
La Folle-par-amour chante
Une ariette touchante.
C'est la mère qui s'alarme
De sa fille fiancée.
C'est l'épouse délaissée
Qui prend un sévère charme
A s'exagérer l'attente
Et demeure palpitante.
C'est l'amitié qu'on néglige
Et qui se croit méconnue.
C'est toute angoisse ingénue,
Cest tout bonheur qui s'afflige:
L'enfant qui s'éveille et pleure,

Vendanges

A Gorges Hall.

Les choses qui chantent dans la tête
Alors que la mémoire est absente,
Écoutez! c'est notre sang qui chante...
O musique lointaine et discrète!

Écoutez! c'est notre sang qui pleure
Alors que notre âme s'est enfuie
D'une voix jusqu'alors inouïe
Et qui va se taire tout à l'heure.

Frère du sang de la vigne rose,
Frère du vin de la veine noire,
O vin, ô sang, c'est l'apothéose!

Chantez, pleurez! Chassez la mémoire
Et chassez l'âme, et jusqu'aux ténèbres

Luxures

A Léor Trézenik.

Chair! ô seul fruit mordu des vergers d'ici-bas,
Fruit amer et sucré qui jutes aux dents seules
Des affamés du seul amour, bouches ou gueules,
Et bon dessert des forts, et leurs joyeux repas,

Amour! le seul émoi de ceux que n'émeut pas
L'horreur de vivre, Amour qui presses sous tes meules
Les scrupules des libertins et des bégueules
Pour le pain des damnés qu'élisent les sabbats,

Amour, tu m'apparais aussi comme un beau pâtre
Dont rêve la fileuse assise auprès de l'àtre

Vers Pour Être Calomnié

A Charles Vignier.

Ce jour je m'étais penché sur ton sommeil.
Tout ton corps dormait chaste sur l'humble lit,
Et j'ai vu, comme un qui s'applique et qui lit,
Ah! j'ai vu que tout est vain sous le soleil!

Qu'on vive, ô quelle délicate merveille,
Tant notre appareil est une fleur qui plie!
O pensée aboutissant à la folie!
Va, pauvre, dors, moi, l'effroi pour toi m'éveille.

Ah! misère de t'aimer, mon frêle amour
Qui vas respirant comme on respire un jour!
O regard fermé que la mort fera tel!

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