Kaléidoscope

A Germain Nouveau.

Dans une rue, au coeur d'une ville de rêve,
Ce sera comme quand on a déjà vécu:
Un instant à la fois très vague et très aigu...
O ce soleil parmi la brume qui se lève!

O ce cri sur la mer, celle voix dans les bois!
Ce sera comme quand on ignore des causes:
Un lent réveil après bien des métempsycoses:
Les choses seront plus les mêmes qu'autrefois

Dans cette rue, au coeur de la ville magique
Où des orgues moudront des gigues dans les soirs,

Pierrot

A Léon Valade.

Ce n'est plus le rêveur lunaire du vieil air
Qui riait aux aïeux dans les dessus de portes;
Sa gaîté, comme sa chandelle, hélas! est morte,
Et son spectre aujourd'hui nous hante, mince et clair.

Et voici que parmi l'effroi d'un long éclair
Sa pâle blouse à l'air, au vent froid qui l'emporte,
D'un linceul, et sa bouche est béante, de sorte
Qu'il semble hurler sous les morsures du ver.

Avec le bruit d'un vol d'oiseaux de nuit qui passe,

Mon Dieu M'a Dit: Mon Fils, Il Faut M'aimer.

I

Mon Dieu m'a dit: Mon fils, il faut m'aimer. Tu vois
Mon flanc percé, mon coeur qui rayonne et qui saigne,
Et mes pieds offensés que Madeleine baigne
De larmes, et mes bras douloureux sous le poids

De tes péchés, et mes mains! Et tu vois la croix,
Tu vois les clous, le fiel, l'éponge et tout t'enseigne
A n'aimer, en ce monde où la chair règne,
Que ma Chair et mon Sang, ma parole et ma voix.

Ne t'ai-je pas aimé jusqu'à la mort moi-même,
O mon frère en mon Père, ô mon fils en l'Esprit,

Né L'enfant Des Grandes Villes.

Né l'enfant des grandes villes
Et des révoltes serviles,
J'ai là, tout cherché, trouvé
De tout appétit rêvé.
Mais, puisque rien n'en demeure,

J'ai dit un adieu léger
A tout ce qui peut changer.
Au plaisir, au bonheur même,
Et même à tout ce que j'aime
Hors de vous, mon doux Seigneur!

La Croix m'a pris sur ses ailes
Qui m'emporte aux meilleurs zèles,
Silence, expiation,
Et l'âpre vocation
Pour la vertu qui s'ignore.

Douce, chère Humilité,
Arrose ma charité,
Trempe-la de tes eaux vives.

Pourquoi Triste, Ô Mon Âme.

Pourquoi triste, ô mon âme,
Triste jusqu'à la mort,
Quand l'effort te réclame,
Quand le suprême effort
Est là qui te réclame?

Ah! tes mains que tu tords
Au lieu d'être à la lâche,
Tes lèvres que tu mords
Et leur silence lâche,
Et tes yeux qui sont morts!

N'as-tu pas l'espérance
De la fidélité,
Et, pour plus d'assurance
Dans la sécurité,
N'as-tu pas la souffrance?

Mais chasse le sommeil
Et ce rêve qui pleure.
Grand jour et plein soleil!
Vois, il est plus que l'heure:

Va Ton Chemin Sans Plus T'inquiéter!

Va ton chemin sans plus t'inquiéter!
La route est droite et tu n'as qu'à monter,
Portant d'ailleurs le seul trésor qui vaille
Et l'arme unique au cas d'une bataille,
La pauvreté d'esprit et Dieu pour toi.

Surtout il faut garder toute espérance,
Qu'importé un peu de nuit et de souffrances?
La route est bonne et la mort est au bout,
Oui, garde toute espérance surtout,
La mort là-bas te dresse un lit de joie.

Et fais-toi doux de toute la douceur.
La vie est laide, encore c'est ta soeur.

L'ennemi Se Déguise En L'ennui.

L'ennemi se déguise en L'Ennui
Et me dit: «A quoi bon, pauve dupe?»
Moi je passe et me moque de lui.
L'ennemi se déguise en la Chair
Et me dit: «Bah! retrousse une jupe!»
Moi j'écarte le conseil amer.

L'ennemi se transforme en un Ange
De lumière et dit: «Qu'est ton effort
A côté des tributs de louange
Et de Foi dus au Père céleste?
Ton amour va-t-il jusqu'à la mort?»
Je réponds: «L'Espérance me reste.»

Comme c'est le vieux logicien,
Il a fait bientôt de me réduire
A ne plus vouloir répliquer rien,

Voix De L'orgueil; Un Cri Puissant Comme D'un Cor.

Voix de l'Orgueil; un cri puissant, comme d'un cor.
Des étoiles de sang sur des cuirasses d'or,
On trébuche à travers des chaleurs d'incendie...
Mais en somme la voix s'en va, comme d'un cor.

Voix de la Haine: cloche en mer, fausse, assourdie
De neige lente. Il fait si froid! Lourde, affadie,
La vie a peur et court follement sur le quai
Loin de la cloche qui devient plus assourdie.

Voix de la Chair: un gros tapage fatigué.
Des gens ont bu. L'endroit fait semblant d'être gai.

Et J'ai Revu L'enfant Unique: Il M'a Semblé.

Et j'ai revu l'enfant unique: il m'a semblé
Que s'ouvrait dans mon coeur la dernière blessure,
Celle dont la douleur plus exquise m'assure
D'une mort désirable en un jour consolé.

La bonne flèche aiguë et sa fraîcheur qui dure!
En ces instants choisis elles ont éveillé
Les rêves un peu lourds du scrupule ennuyé,
Et tout mon sang chrétien chanta la Chanson pure.

J'entends encor, je vois encor! Loi du devoir
Si douce! Enfin je sais ce qu'est entendre et voir,
J'entends, je vois toujours! Voix des bonnes pensées,

Les Chères Mains Qui Furent Miennes..

Les chères mains qui furent miennes,
Toutes petites, toutes belles,
Après ces méprises mortelles
Et toutes ces choses païennes,

Après les rades et les grèves,
Et les pays et les provinces,
Royales mieux qu'au temps des princes,
Les chères mains m'ouvrent les rêves.

Mains en songe, mains sur mon âme,
Sais-je, moi, ce que vous daignâtes,
Parmi ces rumeurs scélérates,
Dire à cette âme qui se pâme?

Ment-elle, ma vision chaste
D'affinité spirituelle,
De complicité maternelle,

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