Fêtes De La Faim

Ma faim, Anne, Anne,
Fuis sur ton âne.

Si j'ai du goût, ce n'est guères
Que pour la terre et les pierres
Dinn! dinn! dinn! dinn! Mangeons l'air,
Le roc, les terres, le fer,
Charbons.

Mes faims, tournez. Paissez, faims,
Le pré des sons!
Attirez le gai venin
Des liserons;

Mangez les cailloux qu'un pauvre brise,
Les vieilles pierres d'églises,
Les galets, fils des déluges,
Pains couchés aux vallées grises!

Des faims, c'est les bouts d'air noir;
L'azur sonneur;

Chant De Guerre Parisien

Le printemps est évident, car
Du coeur des Propriétés vertes
Le vol de Thiers et de Picard
Tient ses splendeurs grandes ouvertes.

Ô mai! Quels délirants cul-nus!
Sèvres, Meudon, Bagneux, Asnières,
Écoutez donc les bienvenus
Semer les choses printanières!

Ils ont schako, sabre et tamtam
Non la vieille boîte à bougies
Et des yoles qui n'ont jam... jam...
Fendent le lac aux eaux rougies!...

Plus que jamais nous bambochons
Quand arrivent sur nos tanières
Crouler les jaunes cabochons

Ophélie

I

Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles,
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles...
--On entend dans les bois de lointains hallalis...

Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir;
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.

Le vent baise ses reins et déploie en corolle
Ses longs voiles bercés mollement par les eaux;

Les Poètes De Sept Ans

Am. P. Demeny.

Et la Mère, fermant le livre du devoir,
S'en allait satisfaite et très fière sans voir,
Dans les yeux bleus et sous le front plein d'éminence,
L'âme de son enfant livrée aux répugnances.

Tout le jour il suait d'obéissance; très
Intelligent; pourtant des tics noirs, quelques traits,
Semblaient prouver en lui d'âcres hypocrisies.
Dans l'ombre des couloirs aux tentures moisies,
En passant il tirait la langue, les deux poings
À l'aine, et dans ses yeux fermés voyait des points.

Le Coeur Volé

Mon pauvre coeur bave à la poupe,
Mon coeur est plein de caporal;
Ils lui lancent des jets de soupe,
Mon triste coeur bave à la poupe.
Sous les quolibets de la troupe
Qui pousse un rire général,
Mon triste coeur brave à la poupe
Mon coeur est plein de caporal!

Ithyphalliques et pioupiesques,
Leurs insultes l'ont dépravé.
À la vesprée, ils font des fresques
Ithyphalliques et pioupiesques,
Ô flots abracadabrantesques
Prenez mon coeur, qu'il soit sauvé!
Ithyphalliques et pioupiesques

Tête De Faune

Dans la feuillée, écrin vert taché d'or,
Dans la feuillée incertaine et fleurie,
D'énormes fleurs où l'âcre baiser dort
Vif et devant l'exquise broderie,

Le Faune affolé montre ses grands yeux
Et mord la fleur rouge avec ses dents blanches
Brunie et sanglante ainsi qu'un vin vieux,
Sa lèvre éclate en rires par les branches;

Et quand il a fui, tel un écureuil,
Son rire perle encore à chaque feuille
Et l'on croit épeuré par un bouvreuil
Le baiser d'or du bois qui se recueille.

Poison Perdu

Des nuits du blond et de la brune
Pas un souvenir n'est resté;
Pas une dentelle d'été,
Pas une cravate commune.

Et sur le balcon, où le thé
Se prend aux heures de la lune,
Il n'est resté de trace aucune,
Aucun souvenir n'est resté,

Au bord d'un rideau bleu piquée,
Luit une épingle à tête d'or
Comme un gros insecte qui dort,

Pointe d'un fin poison trempée,
Je te prends, sois-moi préparée
Aux heures des désirs de mort.

Les Corbeaux

Seigneur, quand froide est la prairie,
Quand dans les hameaux abattus,
Les longs angelus se sont tus
Sur la nature défleurie,
Faites s'abattre des grands cieux
Les chers corbeaux délicieux.

Armée étrange aux cris sévères,
Les vents froids attaquent vos nids!
Vous, le long des fleuves jaunis,
Sur les routes aux vieux calvaires,
Sur les fossés et sur les trous,
Dispersez-vous, ralliez-vous!

Par milliers, sur les champs de France,
Où dorment les morts d'avant-hier,
Tournoyez, n'est-ce pas, l'hiver,

Patience

Aux branches claires des tilleurs
Meurt un maladif hallali.
Mais des chansons spirituelles
Voltigent partout les groseilles.
Que notre sang rie en nos veines,
Voici s'enchevêtrer les vignes.
Le ciel est joli comme un ange,
Azur et Onde communient.
Je sors! Si un rayon me blesse,
Je succomberai sur la mousse.

Qu'on patiente et qu'on s'ennuie,
C'est si simple!... Fi de ces peines!
Je veux que l'été dramatique
Me lie à son char de fortune.
Que par toi beaucoup, ô Nature,
--Ah! moins nul et moins seul! je meure,

Jeune Ménage

La chambre est ouverte au ciel bleu turquin;
Pas de place: des coffrets et des huches!
Dehors le mur est plein d'aristoloches
Où vibrent les gencives des lutins.

Que ce sont bien intrigues de génies
Cette dépense et ces désordres vains!
C'est la fée africaine qui fournit
La mûre, et les résilles dans les coins.

Plusieurs entrent, marraines mécontentes,
En pans de lumière dans les buffets,
Puis y restent! le ménage s'absente
Peu sérieusement, et rien ne se fait.

Le marié a le vent qui le floue

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