Horreur Sacrée

Souvent, dans le hallier où l'églogue hypocrite
S'en va chantant,
J'ai tout à coup cessé de lire Théocrite
Inquietant;

Homère fait trembler; un gouffre est dans Eschyle;
Parfois je veux
M'enfuir quand Circé passe ou quand je vois Achille
Pris aux cheveux;

Les aigles sur les bords du Gange et du Caÿstre
Sont effrayants;
Rien de grand qui ne soit confusément sinistre;
Les noirs pæans,

Les psaumes, la chanson monstrueuse du mage
Ézéchiel,
Font devant notre œil fixe errer la vague image

Chanson

Dieu, qu'il la fait bon regarder
La gracieuse, bonne et belle!
Pour les grans biens qui sont en elle,
Chascun est prest de la louer.

Qui se pourroit d'elle lasser?
Tousjours sa beauté renouvelle.
Dieu, qu'il la fait bon regarder
La gracieuse, bonne et belle!

Par deça ne dela la mer,
Ne sçay dame, ne damoiselle
Qui soit en tous biens parfais telle;
C'est un songe que d'y penser.
Dieu, qu'il la fait bon regarder!

Jour de Pritemps Le Poète Exprime Ses Sentiments au Sortir de l'Ivresse, Un

Si la vie est comme un grand songe,
A quoi bon tourmenter son existence!
Pour moi je m'enivre tout le jour,
Et quand je viens à chanceler, je m'endors
au pieds des premières colonnes.

A mon réveil je jette les yeux devant moi;
Un oiseau chante au milieu des fleurs;
Je lui demande à quelle époque de l'année nous sommes,
Il me répond à l'époque où le souffle du printemps
fait chanter l'oiseau.

Je me sens ému et prêt à soupirer,
Mais je me verse encore à boire;
Je chante haute voix jusqu'à ce que la lune brille,

Aux Arts Libéraux

C'est rigolo c'qu'on a d'la chance:
Moi, qu tous les hivers ej gelais,
Moi, que j'couch' dehors ed'naissance,
Me v'là que j'couch' dans un palais.
V'là qu'au lieur ed'filer la cloche
La nuit, avec un tas d'maqu'reaux
Avec qui que j'pass pour un broche,
Ej' demeure aux Arts Libéraux.

Là où qu'on m'calu' quand que j'rentre,
Là où, quand mêm que j's rais fauché,
Ej' suis sûr de m'coller dans l'ventre
Un' mouis' par-dessus l'marché:
L'matin, ça chauff' la gargamelle,
C'est girond la soupe aux pòireaux!

Il Parle Encore

Ni pardon ni répit, dit le monde,
Plus de place au sénat du loisir!
On rend grâce et justice au désir
Qui te prend d'une paix si profonde,
Et l'on eût fait trêve avec plaisir,
Mais la guerre est jalouse: il faut vivre
Ou mourir du combat qui t'enivre.

Aussi bien tes vœux sont absolus
Quand notre art est un mol équilibre.
Nous donnons un sens large au mot: libre,
Et ton sens va: Vite ou jamais plus.
Ta prière est un ordre qui vibre;
Alors nous, indolents conseilleurs,
Que te dire, excepté Cherche ailleurs?

Toute mon Ame

Depuis le jour où je suis né,
Songeur que Dieu voulut èlire
Pour unir son chant obstiné
A la mystérieuse Lyre,

Tu m'as aimé, tu m'as guéri,
Tu m'as donné, dans tes alarmes,
Avec ton lait qui m'a nourri,
Tant de chers baisers, tant de larmes!

Par toi j'ai pu vivre et penser,
Tu fus ma nourrice et mon Ange,
Et moi, pour te récompenser,
Qu'ai-je à te donner en échange?

Pour toi, source de tout mon bien,
Gardienne attentive et charmée,
Je n'ai rien, pas même ce rien
Que l'on appelle renommée.

A Vénus de MIlo

O Vénus de Milo, guerrière au flanc nerveux,
Dont le front irrité sous vos divins cheveux
Songe, et dont une flamme embrase la paupière,
Calme éblouissement, grand poëme de pierre,
Débordement de vie avec art compensé,
Vous qui depuis mille ans avez toujours pensé,
J'adore votre bouche où le courroux flamboie
Et vos seins frémissants d'une tranquille joie.
Et vous savez si bien ces amours éperdus
Que si vous retrouviez un jour vos bras perdus
Et qu'à vos pieds tombât votre blanche tunique,

Erato

Nature , où sont tes Dieux? O prophétique aïeule,
O chair mystérieuse où tout est contenu,
Qui pendant si longtemps as vecu de toi seule
Et qui sembles mourir, parle, qu'est devenu
Cet âge de vertu que chaque jour efface,
Où le soutire humain rayonnait sur ta face?
Où s'est enfui le chœur de tes Olympiens?
O Nature à prèsent désesperée et vide,
Jádis l'affreux désert des Éthiopiens
Sous le midi sauvage ou sous la nuit livide
Fut moins appesanti, moins formidable, et moins
Fait pour ce désespoir qui n'a pas de témoins,

Marchands de Crayons

Rose pleurait: Un bon jeune homme
La consola, veillant au grain.
«—Ah! de quelque nom qu'on vous nomme,
Dit-elle, vous allez voir comme
J'ai raison d'avoir du chagrin!

Pour Meaux, ayant plié ma tente,
En avril dernier je partis.
J'allais hériter de ma tante,
Dont la dépouille aujourd'hui tente
Une foule de bons partis.

Mais ce n'est pas dans la province
Que resplendit mon firmament:
C'est ici que loge mon prince,
L'homme pour qui mon cœur se pince,
Mon Arthur, mon tout, mon amant!

Reprise de "La Dame"

Mourir de la poitrine
Quand j'ai ces bras de lys,
La lèvre purpurine,
Les cheveux de maïs
Et cette gorge rose,
Ah! la vilaine chose!
Quel poëte morose
Est donc ce Dumas fils!

Je fus, pauvre colombe,
Triste, blessée au flanc;
Déjà le soir qui tombe
Glace mon jeune sang,
Et, j'en ai fait le pacte,
Il faut qu'en femme exacte,
Au bout du cinquième acte
J'expire en peignoir blanc!

Pourtant, j'aime une vie
Qu'un immortel trésor
Poétise, ravie,
Dans un si beau décor;

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